Release
François Dagognet extrait d’un entretien paru dans le journal Le Monde en 1993.
“RELEASE”
Ces photographies sont issues de négatifs de tests, d’essais sur des matériaux, afin de les expérimenter au maximum de leurs possibilités. On aperçoit là le résultat de ces brûlures, étirements, compressions etc. Ces images ont été récupérées lors de mes prérigrinations sur des friches industrielles en déshérences.
Le titre “RELEASE” essaye de transmettre l’action de quelque chose qui a été capturé et qui aujourd’hui est libéré, au même titre que ces images ont été réalisées mais jamais toujours vues entièrement car on ne réalisait souvent avec elles que des bandes de lectures partielles. Le terme RELEASE s’utilise aussi en industrie pour exprimer le fait qu’une pièce est arrivée au bout du processus de fabrication…
Le cadrage est brutal, concentré uniquement sur l’objet.
C’est une photographie industrielle froide, frontale, objective…
Au XX siècle des artistes photographes, importants aujourd’hui, travaillaient dans le même sens. J’associe ce travail à certains travaux de ces photographes (Walker Evans, August Sander, Werner Mantz, Albert Renger Patzsch, Hilla et Bernd Becher, Thomas Struth, Thomas Ruff etc.
Ils sont des photographes qui questionnent l'image et ce qu'est une photographie… Est-ce essentiellement un document ? Ou une certaine vision de la réalité ?
Il y a deux mots que j'emploierai pour ce travail et que je mettrai en parallèle EMPRUNT/EMPREINTE.
Je me suis associé pour ce travail à un studio de photographie industrielle (le studio François Caterin à Saint Etienne) afin de retravailler le négatif, sans modifier le cadrage, et obtenir une qualité optimale pour le tirage grand format (170cm x 130cm).
Le fait de s'approprier un travail, de le détourner (restauration de la matière, de la lumière, agrandissement du format..) interroge le fait de faire de la photographie à l'ére du numérique...où tout est manipulé, sans négatif, sans empreinte… et transformé…
Ces photos trouvées, retrouvées, sont porteuses d’un nouveau sens d’un nouvel imaginaire, je l’associe aussi au travail de certains photographes « ré-appropriationnistes » Sherrie Levine, Richard Prince, Larry Sultan et Mike Mandel, Joachim Schmid, Luciano Rigolini, Pavel Maria Smejkal…